Radio sud plus Roger Payet, Thierry About et Alain Bled

[Médias] Radio Sud Plus fait sa crise de la quarantaine

APPEL AUX DONS

Née en 1981, la radio associative Radio Sud Plus pourrait disparaître sous la facture des travaux de ravalement de la tour des Azalées où elle loge. Appel aux dons et rappel de l’histoire de ce patrimoine radiophonique de La Réunion.

Radio Sud Plus est la radio libre la plus ancienne de l’île (avec Freedom)… et la plus haute puisqu’elle a installé son studio au 9e étage de la célèbre tour des Azalées du Tampon. C’est là où le bât blesse car le bâtiment est en piteux état et l’ensemble des copropriétaires doit débourser près de 700 000 € pour les travaux de ravalement. La radio associative, au budget ultra-serré, craint de disparaître face à l’échéance : environ 12 000 € à trouver d’ici la fin de l’année… ou au plus tard à mi-2025.

C’est d’abord pour relayer leur appel aux dons que nous sommes retournés les voir. Alors s’il vous plaît, m’sieurs-dames. Faites un geste. La cagnotte est en ligne ici. Les réfractaires au paiement numérique seront également les bienvenus dans le studio s’ils souhaitent contribuer « à l’ancienne », par chèque. Ils peuvent aussi l’envoyer par la Poste à : Association Radio Sud Plus – 92 Tour des Azalées – 97430 LE TAMPON.

Radio sud plus tour des azalées ravalement de façade
Les travaux de ravalement sont estimés à près de 700 000 €.

Nous avons emprunté le vieil ascenseur également pour raconter leur longue et généreuse histoire traversée sous le signe de la liberté, du bénévolat, de l’émotion et de la proximité. Parce que ça nous parle. Comment un média associatif peut-il tracer son chemin dans la jungle de l’info et de la com’ débridées entre les entreprises publiques et commerciales ?

Roger Payet, le seul salarié permanent, Thierry About, le président, et Alain Bled, le journaliste citoyen exposent les faits. Ils ont pour vivre 30 000 € par an au titre de l’aide publique aux radios associatives, une aide ponctionnée sur les chiffres d’affaires des grands groupes audiovisuels. Ils peuvent aussi vendre un peu de pubs, mais cette recette est limitée à 10% du total.

Interview de Roger Payet, Thierry About et Alain Bled

Qu’est-ce qui fait votre singularité ?

Thierry About : on apporte beaucoup de liberté avec Alain et avec plein d’autres mais aussi sur le plan musical, on défend les artistes locaux. Quand on invite des artistes qui veulent jouer 15 morceaux de leur album, eh bien on passe les 15 titres et s’il faut passer une heure et demie ou deux heures, on le fait.

Alain Bled : Faut pas croire qu’il n’y a que des hommes comme nous. Il y a aussi Sophie Nativel qui anime une émission littéraire d’une heure. C’est unique. Il y a aussi Elizabeth qui réalise des interviews magnifiques.

Roger Payet : Sans oublier Diane, Vincent et Hélène qui vont à la rencontre des artistes. Notre rôle c’est de faire de la proximité, de donner la parole aux gens sur une antenne libre.

Comment l’aventure a commencé ?

Roger Payet : Nous sommes arrivés en septembre 1981 avec l’autorisation des radios libres. On était chemin Isautier et on a été officialisé en 1982. Il n’y avait que huit radios. 

Thierry About : Si je ne me trompe pas, Camille Sudre était venu participer à Radio Sud Plus. Il voulait fusionner.

Il y a 43 ans naissait Radio Sud Plus. On reconnaît deux piliers : Roger Payet et Alain Bled.
Il y a 43 ans naissait Radio Sud Plus. On reconnaît deux piliers : Roger Payet et Alain Bled.

Y avait-il une volonté politique au départ ?

Alain Bled : Les créateurs étaient M. Denuzière, les frères Besson et Guy Siew qui étaient de la gauche douce, socialiste. Peut-être qu’ils l’auraient voulu, mais la radio n’est jamais devenue socialiste. On était neutre dès le départ.

Comment choisissez-vous les sujets que vous passez à l’antenne ?

Thierry About : L’idée c’est de proposer des thèmes divers et pédagogiques.

Alain Bled : On a fait une émission humoristique avec Alain Macri, Hélène Lancey, Thiery Bertil… c’était la langue n’a point le z’os. On en a même sorti un petit livre reprenant nos sketches. Avec Thierry Bertil, Thierry About, Sophie Nativel et moi-même, on est quatre à passer de la radio à l’écriture. 

Vous êtes-vous fait des ennemis avec votre liberté de ton ?

Thierry About : Notre ligne éditoriale c’est la liberté. Je peux ne pas être d’accord mais chacun est libre tant qu’on évite les dérapages complotistes. La terre n’est pas plate.

Alain Bled : Ça m’arrive de recevoir Raffestin. Je ne suis pas là pour juger mais je lui apporte la contradiction. Dans ma revue de presse, je cite tous les journaux, qu’ils soient de droite ou de gauche. Maintenant qu’il n’y a plus que le Quotidien, je cite les sites internet comme Parallèle Sud, Koafé et le Tangue… Je complète avec les journaux de métropole.

Roger Payet : la radio est ouverte à tous.

Comment comptez-vous faire pour séduire la jeune génération ?

Alain Bled : Le jeunes, c’est « boum bam boum bam », il y a d’autres radios qui ne font que ça et ont peut-être plus d’audience que nous. Nous, on n’a personne de moins de 20 ans. On s’aperçoit que les gens qui écoutent le plus la radio sont dans la cinquantaine. Mais ils ne sont pas les seuls. Il y a des femmes et des hommes, des jeunes et des vieux…

Quel genre de musique diffusez-vous ?

Thierry About : On est généraliste. On remet quand même un peu de rock-blues dans la marmite à la différence des autres. On serait un peu le Chérie FM du rock. 

Roger Payet : On a un cahier des charges à tenir. On est largement au-dessus des 40% de chansons françaises (et réunionnaises) demandés par l’Arcom. On fait découvrir des artistes méconnus.

Les subventions aux radios associatives sont menacées, ça vous inquiète ?

Thierry About : Bien sûr c’est une menace. C’est important pour les radios associatives.

Roger Payet : Mais notre fédération se bagarre pour alerter les politiques.

Quels sont les plus beaux souvenirs que vous gardez de vos plus de cinquante ans de Radio Sud Plus ?

Thierry About : Plein, je suis chanteur, poète mais c’est en rencontrant des gens que j’ai eu beaucoup de plaisir à m’émerveiller de tous les talents que recèle La Réunion.

Roger Payet : Moi c’est le retour que me faisaient les gens. Quand j’étais à l’armée au tout début, les autres me réclamaient de passer leurs chansons. Il y avait les fameuses dédicaces. J’animais une émission « Coeur à coeur » avec Silver. Certains auditeurs venaient même à la radio le soir.

Alain Bled : Je me souviens d’une interview de Gilbert Pounia. On avait la liberté de prendre le temps avec les invités.

Entretien : Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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