[Richard Dijoux] « Nou la sèm lé grèn du bonèr é i komans a levé »

VIDÉO : OUVREZ LES GUILLEMETS «

Isopolis, était une aventure collective et réunionnaise qui rêvait de changer le monde. Elle s’est éteinte il y a presque un an, avec l’arrêt des financements régionaux. Richard Dijoux, président d’Isolife (l’association porteuse du projet) est décidé à rallumer le fanal.

Une longue carrière dans le monde de l’éducation populaire et une courte incursion dans la sphère politique en tant que directeur de cabinet de Vanessa Miranville, maire de la Possession et leader du parti Créa (Citoyens de La Réunion en action), voilà comment pourrait se résumer une courte présentation de Richard Dijoux. Le rire communicatif et le créole comme valeur cardinale — « Mwin sé in indépendantiste convaincu et assumé » — le boug chemine sans relâche sur les sentiers de la conscience citoyenne. 

Nous lui avons ouvert les guillemets pour mieux comprendre sa résilience — son entêtement ? — à espérer que le monde puisse changer, devenir plus humain, plus heureux… Les politiques ? « Des menteurs et des manipulateurs ». Le constat ? « La Réunion, département le plus corrompu, le plus illettré, le plus alcoolique, le plus chômeur ».

Les mots de celui qui est passé du jour au lendemain d’un cabinet politique au rond-point des Zazalés résonnent brutalement. Le gilet jaune reste à portée de main. « Zordi mwin sé la sèl voiture La Rényon ousa na in gilet jaune sur le tableau de bord ! » Il retient du mouvement qu’il a apporté l’idée qu’un autre monde est possible.

Le rêve Isopolis

Après un long intermède Covid, passé dans la ferme équestre de Pont Payet, Richard Dijoux reprend du service, d’abord au sein de l’AD2R (Association de développement rural de La Réunion) puis, surtout, dans l’aventure Isopolis. « Nous sommes partis sur le concept de résilience et du bonheur », se souvient-il. « Isopolis c’était le rêve d’un monde ou sak i sré normal ke ou lé pa violé, ataké, blèsé… »

Il s’agissait alors d’une introspection pluridisciplinaire de la société réunionnaise. « Nous avons semé des graines, et quand je vois Ericka Bareigts (maire de Saint-Denis) défendre aujourd’hui le concept de l’école du bonheur, je me dis qu’on a servi à quelque chose. » Les recherches participatives mises en place grâce à des financements régionaux se sont arrêtés avec le changement de majorité à la Région. La nouvelle équipe a dit, pour reprendre la formule de Richard Dijoux : « Wait and see. »

Depuis, Richard Dijoux a pris la présidence d’Isolife, l’association qui a chapeauté les premiers programmes. Il reste une vingtaine de personnes pour continuer à porter le projet. Elles sollicitent, en cette fin d’année, la reprise des financements auprès d’Huguette Bello et de Maya Césari, chargée de l’innovation. Le premier objectif est de recréer un tiers-lieu de recherches, physique ou virtuel.

« Atan pa ke mwin mi sa kour dèrièr ou ».

Le « résistant » d’Isopolis affirme que « le besoin n’est pas couvert » en matière d’assistance des politiques publiques, ce qui peut paraître sévère vis-à-vis des Conseils économique et culturel (Ceser et CCEE). Mais il fait la comparaison avec le rond-point des Zazalé qui se substitue régulièrement aux services sociaux pour accueillir des personnes en difficultés. Et ce à la demande d’une assistante sociale officielle.

Avec ou sans soutien financier, Isopolis reprend son voyage. Le site internet et la page Facebook sont toujours actifs ainsi que celle du Réseau d’innovation sociale ouverte et mutualisée (Risom). Les « faiseurs de changement » peuvent donc reprendre contact avec le vaisseau. Mais qu’ils ne comptent pas sur Richard Dijoux pour les harceler. « Si ou veu angaj aou, fèr kekshoz pou out péi é pou domoun larényon, atan pa ke mwin mi sa kour dèrièr ou. Ma pa bezwin de personne tiède et lo moun ke lé sho, li koné ke le zalèr lé la ».

« Si ou veu angaj aou, fèr kekshoz pou out péi é pou domoun larényon, atan pa ke mwin mi sa kour dèrièr ou. Ma pa bezwin de personne tiède et lo moun ke lé sho, li koné ke le zalèr lé la ».

Un tel franc parler annonce en tout cas la température des échanges à venir. Ce ne devrait pas être « tiède ». Quand on lui demande de conclure l’entretien Richard Dijoux dénonce immédiatement, la non-compensation des crimes de l’esclavage, la confiscation des terres aux profits d’intérêts capitalistes, les aspects pervers du système électoral… Les « faiseurs de changement » ont du pain sur la planche.

Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.