Je suis une mère, et j’aurais pu être parmi vous…
Je suis maman, et j’aurais pu être parmi ces femmes qui luttent chaque jour contre l’alcoolisme, parfois dans la solitude, souvent dans la honte.
À La Réunion, nous avons compris que la vraie force réside dans le courage de regarder nos blessures collectives, de nommer ce qui fait mal, et d’inventer, ensemble, des chemins de guérison.
C’est cette audace, cette humanité que SAF France incarne et partage aujourd’hui jusqu’en Irlande, où, derrière la chaleur des pubs et les paysages de légende, se cache une autre réalité.
Un fléau qui frappe à huis clos
En 2000, à La Réunion, un enfant naissait avec des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) tous les deux jours c’est donc 270 enfants réunionnais par an naissaient avec des troubles liés à l’alcoolisation fœtale. Ce handicap neurocomportemental, pourtant évitable, restait invisible, enfermé derrière les portes des foyers.
L’alcool pendant la grossesse est un poison silencieux : il traverse le placenta, atteint le cerveau en développement du fœtus, provoquant retards de croissance, malformations, troubles de l’apprentissage et du comportement.
En France, la méconnaissance du danger reste préoccupante : 27 % des femmes enceintes consommaient encore de l’alcool entre 2021 et 2023 (Étude OpinionWay pour SAF France).
Les séquelles, souvent invisibles à la naissance, se révèlent plus tard : échec scolaire, troubles de l’attention, isolement, troubles de l’auto contrôle, délinquance. Ce qui représente un coût humain inestimable, et un coût social estimé à plus de 20 milliards d’euros par an.
Face à ce fléau, l’association REUNISAF puis SAF France, portée par le Dr Denis Lamblin, agit sans relâche depuis 30 ans.
Ainsi en 2023, 48 familles vulnérables ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé et près de 5 000 collégiens ont été sensibilisés.
Depuis 2019, 250 familles ont été suivies, dont 75 % ont arrêté ou fortement réduit leur consommation.
SAF France ne juge pas : elle écoute, soutient, libère la parole. Grâce aux groupes de parole, aux ateliers, aux campagnes SAFTHON, et aux interventions en milieu scolaire, une dynamique de solidarité s’est mise en place.
Les résultats sont là : en 30 ans, la consommation d’alcool pendant la grossesse est passée de plus de 30 % à 7 % à La Réunion. Une baisse historique, fruit d’un engagement collectif.
L’Irlande, entre traditions et ignorance : un défi à relever
En avril dernier, SAF France a été invitée à présenter son modèle en Irlande, pays de convivialité et de traditions où pourtant 62 % des femmes enceintes consomment de l’alcool.
Ce pays détient un des taux les plus élevés au monde de troubles liés au SAF : un bébé sur 20 concerné.
Là-bas, refuser un verre, même enceinte, revient souvent à se marginaliser.
Le déni est profond, les campagnes de prévention quasi inexistantes. Le syndrome d’alcoolisation fœtale reste largement méconnu.
SAF France y a partagé son expérience et ses outils, misant sur l’écoute, l’adaptation culturelle et l’implication des familles et professionnels. Car tout commence par une phrase simple : “kan ou boit, bébé i boit aussi.”
Modèle réunionnais, solution nationale : qu’attend l’Assemblée ?
Face aux 75 enfants qui naissent encore chaque année à La Réunion avec des séquelles liées à l’alcoolisation fœtale, le silence n’est plus une option.
Derrière chaque chiffre, il y a un enfant, une famille, un avenir brisé que l’on aurait pu protéger.
La Réunion, trop souvent stigmatisée, démontre pourtant qu’elle détient une solution concrète, humaine, efficace. Ce modèle, reconnu à l’international, mérite d’être appliqué dans toute la France.
À l’assaut de l’Assemblée Nationale
Le 19 juin, au ministère de la Santé, le Dr Denis Lamblin et le député Perceval Gaillard porteront ce modèle réunionnais de prévention devant les décideurs nationaux.
Depuis 2004, grâce à l’engagement de la sénatrice Anne-Marie Payet, La Réunion a ouvert la voie avec l’obligation du pictogramme « femme enceinte barrée » sur les bouteilles d’alcool – une première en Europe
Aujourd’hui, face aux 15 000 enfants qui naissent chaque année en France avec des séquelles liées à l’alcool, il est temps d’agir.
Ce que La Réunion a réussi, la France entière peut le faire. L’excellence réunionnaise doit devenir la norme nationale ;
Mobilisation citoyenne : choisir la vie
Chaque voix compte.
Chaque instant d’attente peut devenir une opportunité d’agir.
Face à un fléau sans frontière, l’engagement collectif devient un devoir.
L’exemple réunionnais le prouve : agir, c’est possible – et c’est maintenant.
Derrière chaque histoire, il y a un double drame :
Celui des femmes qui luttent en silence contre une maladie invisible, et
celui de leurs enfants porteurs de handicaps irréversibles …Pourtant évitables.
L’alcool n’a ni couleur, ni langue, ni classe sociale, ni âge… mais la solidarité, la prévention, et l’espoir sont là.
P’tit lamp, ti lamp, nou arrive.
Frédérique Welmant
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