[Histoire locale] Le village de Roche Plate

SAINT-JOSEPH

Roche Plate c’est bien sûr un petit îlet bien connu des randonneurs dans le cirque de Mafate. Mais il existe également le village, ou du moins l’ancien village de Roche-Plate, situé « au fond » de la rivière des Remparts, au pied du sentier qui monte au nez de Bœuf. Son histoire est étroitement liée au gros éboulement de Mahavel.

Naissance du village et développement

Au début du 19e siècle, des marrons se sont progressivement installés dans la vallée de la Rivière des Remparts, d’abord au niveau du Dimitile et de Mahavel. Puis ce sont des colons pauvres qui ont choisi les hauts pour s’y installer, créant de petits « villages ». Roche Plate est l’un d’eux, il se dit que le nom de Roche Plate serait celui de l’un de ses premiers habitants… 

Au début du 20e siècle, Roche Plate compte environ 300 habitants dont de très nombreux enfants. On y cultive la terre avec les outils rudimentaires de l’époque (pioches, bêches essentiellement), et bien entendu sans aucun apport de type engrais (seul était utilisé le fumier des animaux). Parmi les principales cultures, le vétyver, le maïs, quelques légumineuses (haricots, pois), des patates douces, et même du café (le véritable café bourbon !). Et il y avait beaucoup de pêchers dont on donnait souvent les fruits aux animaux (bœufs, cabris, cochons, volailles). Et puis, on y distillait également géranium et vétyver.

Case à Roche Plate (photo d’époque, société d’Histoire de Saint Joseph)

Pas une vie facile…

A Roche Plate, l’eau coule à flots, mais il n’y a ni téléphone, ni électricité. L’éclairage se faisait à la bougie (cire d’abeille) et avec quelques lampes à pétrole. Les cases sont en bois (bois de natte, bois de remparts) et recouvertes de vétyver. Pas le grand luxe donc ! 

Dans le village, il y avait une école. Au début, les garçons y allaient le matin, les filles l’après-midi. Elle fut mixte plus tard. Les élèves la fréquentaient alors en journée complète, emportant leur repas de midi. Beaucoup d’enfants aidaient leurs parents au travail de la terre. Certains jours, l’école pouvait donc paraître un peu « vide » !

Ecole de Roche Plate (photo d’époque, société d’Histoire de Saint-Joseph)

Saint-Joseph, pas la porte à côté !

Avec l’éloignement (près de 15km pour rejoindre la ville de Saint-Joseph par un sentier difficile), les loisirs étaient peu nombreux, et pourtant quelques bals ou fêtes y ont parfois été organisés.

Le facteur, qui venait chaque samedi, était très attendu car il était celui qui apportait des nouvelles ! Malgré la distance et la difficulté des sentiers, les villageois descendaient assez souvent se ravitailler à Saint-Joseph. Autant dire qu’il fallait « avoir de bonnes jambes » !

4 Mai 1965, effondrement massif au lieu-dit Mahavel*

Le 4 mai 1965, à la suite de très fortes pluies, toute une partie du Morne Langevin s’effondre. Ce sont alors près de trente millions de mètres cubes de roches qui viennent obstruer la vallée au lieu-dit Mahavel. En s’accumulant elles ont formé une sorte de barrage retenant les eaux descendues du massif de la Fournaise, créant un immense lac. Il a fallu à plusieurs reprises creuser d’énormes brèches dans ce « barrage » afin que l’eau accumulée puisse s’écouler.

Cet épisode a engendré la peur chez les habitants de Roche Plate. Le village a été évacué, et s’est alors déserté. Il est depuis en grande partie inhabité.

Mahavel, photo d’époque (fonds Roger Broca)

Roche-Plate aujourd’hui

Aujourd’hui, il reste quelques anciennes maisons peu occupées, et une activité d’hébergement qui a redonné au village un peu de vie. Roche-Plate, c’est un petit coin de paradis, mais le paradis se mérite : 30 km aller-retour dans le lit de la rivière des remparts, la plupart du temps dans les roches, les graviers, le sable. Un sentier 4X4 a été aménagé, en particulier pour les gîteurs (ravitaillement, transport de certains touristes) et quelques touristes peu enclins à marcher des heures dans les cailloux, le sable, et sous le soleil. Mais après chaque épisode de fortes pluies, le sentier souffre et doit être remis en état, ce qui représente un vrai coût !

Un sentier très difficile (phot Jean-Paul Goursaud, randopitons)

Aucune famille n’habite plus Roche Plate. Certaines y ont conservé une maison où elles viennent parfois le week-end ou en vacances. Seul subsiste un gîte ouvert en permanence, qui permet de faire une pause, si l’on est un bon randonneur, et que depuis Roche-Plate, on veut ensuite monter au Nez de Bœuf ! Sentier à éviter lorsqu’il a beaucoup plu…

Dominique Blumberger

* Mahavel serait un ancien esclave marron, l’origine du mot étant malgache.

Jacqueline Morel, Gîte de la Rivière des remparts à Roche Plate

Elle explique qu’après avoir longtemps tenu le gîte de Trois Sources, lorsque l’interdiction d’exploiter est tombée (risques d’éboulis), elle et son mari ont repris le gîte de la rivière des Remparts en 2004. « C’est difficile, il y a peu de monde en semaine, et souvent, des réservations sont annulées, surtout quand il pleut. Nous recevons peu de touristes, essentiellement de la clientèle locale : des groupes de randonneurs, des associations. Beaucoup sont des habitués, qui reviennent régulièrement en week-end. Nous en avons qui sont venus plus de cent fois ! ». Une difficulté, et pas moindre, est l’entretien du sentier régulièrement dégradé lorsqu’il y a des intempéries. « Les concasseurs qui ont besoin de galets aident à remettre en état, mais souvent c’est nous qui devons à la main enlever des galets pour qu’on puisse circuler ». Cela dit, Jacqueline « aime la rivière », elle et son mari sont donc toujours prêts aux efforts nécessaires pour faire vivre leur gîte et ce joli coin de paradis dans la rivière !

Gîte de Roche-Plate (photo IRT)

Pour plus d’informations sur la randonnée, vous pouvez consulter la fiche sur le site randopitons.re.

Ils ont contribué à la rédaction de cet article (informations, photos), merci à :

Clément Suzanne, Maison du Tourisme du Sud Sauvage, actuel président de la Société d’Histoire de Saint-Joseph

Christian Landry, 1er adjoint à la Mairie de Saint-Joseph, ancien proviseur du lycée Pierre Poivre, fondateur de la Société d’Histoire de Saint-Joseph

Jean-Paul Goursaud, site Randopitons (photos)

A propos de l'auteur

Dominique Blumberger | Reporter citoyen

Ancien enseignant et directeur à la retraite, Dominique Blumberger a rejoint les rangs de Parallèle Sud quelques mois après son lancement. Passionné de musique, gros lecteur, il propose d’ailleurs souvent des avis sur ce qu’il a lu, il affectionne plus particulièrement les portraits et les reportages.