L’Indo-Pacifique & L’indianocéanie

Journal de Paul Hoarau      

Le centre du monde se déplace de l’Atlantique au Pacifique. La Chine, l’Inde, le Japon, les Etats-Unis, La Russie seront les principaux pays concernées. La Vieille Europe se trouvera à l’écart. Elle n’entend pas le rester. La France en particulier tient à occuper une place dans la nouvelle cour des Grands. D’où « l’Indo-Pacifique », la nouvelle politique française au niveau international.

La Réunion est entraînée dans ce mouvement « mondialiste ». Possession française avec Mayotte dans l’océan Indien, mais avec, aussi, la Polynésie, La Nouvelle Calédonie, la France (dans la terminologie actuelle) revendique sa présence.

Dans « la logique locale », pour nous La Réunion, la réalité la plus immédiate pour le développement de nos peuples, c’est l’Indianocéanie.

Il n’est pas question, pour nous Réunionnais, de nous mettre en opposition au mouvement national Indo-Pacifique. Des intérêts réunionnais pourraient peut-être y trouver leur compte. Mais l’absence réunionnaise tant au niveau national que a fortiori, au niveau international est telle, que ces intérêts réunionnais risquent fort d’être invisibles dans le développement Indo-Pacifique qui se met en place. La Réunion, comme les autres possessions françaises « sont la chance de la France » dit la Première ministre (plus exactement : la chance du lobby politico-économique mondialiste de Paris).

La pouvoir « mondialiste » parisien veut être sûr de pouvoir exporter ses avions, ses autos et ses matériels roulants, sa haute technologie, ses produits manufacturés et ses produits alimentaires dans la zone économique centrale de demain.  La présence de terres françaises dans l’Indo-Pacifique justifiera la présence de la France dans les instances politiques, instances décisionnelles de la zone.  

Mais il y a une dimension locale réunionnaise de développement qui ne doit pas être abandonnée, c’est l’Indianocéanie. Cette fois, ce n’est pas l’économie internationale française (mondialiste) qui est en jeu, mais les économies locales des îles indianocéaniennes. Que Madagascar devienne le grenier à riz  de l’Indianocéanie et mécaniquement celui de la Grande Ile, aura des conséquences immédiates sur le développement des riziculteurs malgaches. Que l’Indianocéanie mette en communauté la production des plantes à parfum de ses îles au lieu de les mettre en concurrence, aura des conséquences sensibles sur les producteurs. Que les aides européennes dispensées aux îles soient gérées par elles dans un esprit communautaire, changera la situation économique générale des Comoriens, des Malgaches, des Mauriciens, des Réunionnais et des Seychellois.

Encore faut-il que les peuples aient la volonté (et l’envie) de construire une communauté économique, chaque pays conservant son statut politique. Les hommes de foi se lançant dans l’aventure avec leurs talents ; les intellectuels s’ingéniant à mettre leur savoir au service des savoir-faire des peuples et les artistes en entraînant ces derniers à se dépasser. Les politiques ayant un cadre et un cap précis pourront agir efficacement sur l’évolution des mentalités et des actions. 

L’Indo-Pacifique avec ses industries lourdes, le pétrole, la haute technologie, etc. pourra évoluer dans sa sphère ; la production des moyens de consommation courante pour répondre aux besoins primaires des populations, évoluer dans la sienne.

Nous n’aurons pas tellement la voix au chapitre dans la cour des grands ; mais nous pourrons  maîtriser le développement communautaire des îles. La Commission de l’océan Indien doit devenir l’outil politique d’un développement économique indianocéanien. La présidence de la délégation française de la COI doit revenir au président de la Région Réunion. Le développement de la politique communautaire indianocéanienne doit être le résultat d’accords entre les solidarités extérieures (européennes, asiatiques, américaines)  et une autorité politique indianocéanienne reconnue. Il ne faut pas opposer la politique Indo-Pacifique qui peut être une « politique des Etats » à l’Indianocéanie qui doit être une « politique des peuples ».

Dès l’instant qu’est reconnue, notamment par l’État français (la Nation française) l’existence d’un pouvoir local réunionnais responsable, est reconnu ipso facto l’existence d’une responsabilité réunionnaise au sein de la COI. A partir de cela, la délégation réunionnaise n’est plus fondue dans la délégation française, elle est la délégation française. Et elle est à égalité avec les autres délégations indianocéaniennes et devient leur partenaire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le vibrillonnement des présences françaises parisiennes du Quai d’Orsay et des ambassades de la zone mettent les autres délégations dans une situation incommode.

Disposant d’un pouvoir local réel, les Réunionnais pourront jouer un rôle dans la construction de la communauté indianocéanienne. Ils ne seront plus le cheval de Troie de la France, ce  dont on les soupçonne en permanence. Ils seront des Français indianocéaniens.

On ne saurait trop demander à nos politiques de se pencher sur l’Indianocénie. Comme on a pu le voir, la question est liée à la reconnaissance d’un peuple Réunionnais responsable au sein de la République. Personne ne peut nous reprocher de vouloir être reconnus et responsables au sein de la Nation. Dans la logique Indo-Pacifique, La Réunion pourrait obtenir que Total réserve un quota d’emplois pour les Réunionnais. Jamais La Réunion n’obtiendra que la politique pétrolière de Total dans la zone soit décentralisée entre les mains d’une autorité réunionnaise. En Indianocéanie, La Réunion partagera la maîtrise de la politique du développement communautaire.

Encore faut-il que les Réunionnais, collectivement, aient envie de ce changement de paradygmes dans les relations à l’intérieur de notre République. Cela viendra. Cela est en train de venir.

Paul HOARAU

                                              

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