Alain Bled

Tous « égo. » !

LIVRES A DOMICILE

La littérature est un gigantesque jeu de l’ego, composé de milliers de pièces de différentes couleurs difficiles à réunir collectivement.

On trouve encore une littérature engagée, voire militante, qui fait passer les causes qu’elle défend avant les individus de son groupe. Encore que beaucoup de rebelles finissent par s’assagir au fil du temps, qui  émousse souvent les passions et même parfois l’intégrité.

D’ailleurs, quand le vent tourne et que les réprimés d’hier  dirigent à leur tour la culture d’un pays ou d’une région, ils deviennent beaucoup plus modérés, surtout s’ils sont nommés fonctionnaires.

A présent, comme l’a très bien noté Michel Onfray lors d’une conférence au précédent salon du livre Athéna de St-Pierre, c’est la littérature narcissique qui reprend le dessus, les problèmes et états d’âme personnels, l’introspection,et même une littérature totalement désengagée des problèmes de société :  fleurs, papillons, jolis paysages,..

Attention, tout n’est pas à jeter : bien sûr il faut que s’expriment les victimes de violences et injustices longtemps cachées, contre les femmes, les homosexuels ou les minorités ;  Mais d’un autre côté, au moindre bobo, on va écrire un bouquin (de « bobo », souvent) pour dénoncer ses malheurs supposés, et se répandre durant des chapitres entiers sur la vacuité de sa vie. Et comme la nature, justement, a horreur du vide,  apparaissent alors d’autres egos : ceux des experts en développement personnel qui disent tout et son contraire , méthode Coué, dictons de grand-mère retraduits en américain,  ils connaissent un succès de librairie inégalé ! Ils remplacent les religions délaissées au profit d’un spiritualisme souvent aussi fumeux.

Le pire, c’est ce politiquement correct qui ne veut offenser personne, (à commencer par les distributeurs de subventions) et engendre souvent une littérature tiédasse, faisant oublier les vrais problèmes qui eux, demeurent. Et comme disait le prof du cercle des poètes disparus : « la poésie n’existe pas seulement pour faire joli », peut-être inspiré deVictor Hugo : « La poésie n’est pas un ornement mais un instrument ».

Mais qui serait assez incorruptible pour refuser les avantages que le Pouvoir peut lui donner ? Qui va bouder une médaille du mérite, ou des arts et lettres, voire la légion d’honneur alors que tous ces hochets sont distribués à la chaîne lors de cérémonies officielles pompeuses ? Oui, à part certains irréductibles, l’artiste trouve toujours une bonne raison pour accepter : ne serait-ce que parce que ça ne peut faire que du bien pour sa renommée. L’intéressé, bien sûr ,dira que rien n’aurait été possible sans le travail d’une équipe qui, elle, demeurera anonyme. Mais, m’objectera-t-on,  celui qui refuse les honneurs n’agit-il pas lui-même par égocentrisme,  en marquant ainsi  sa différence ?

Les prix, les médailles, sont des encouragements à persévérer, qu’on distribue à qui les demande, ou plutôt, à qui en fait la demande pour vous, ce qui est, soit-dit en passant, assez hypocrite.  En fait j’exagère, on ne les distribue pas à tout le monde. Mais  comme pour les prix littéraires, on trouvera toujours des jaloux pour parler de copinage, de piston, de réseaux, voire accuser les Juifs, les Francs Maçons, ou les Illuminati.

Ceux ou celles qui n’ont pas obtenu de reconnaissance « officielle »  montrent donc parfois un sourire crispé quand ils ou elles adressent leurs félicitations aux récipiendaires. Mais enfin, si ça permet aux perdants d’être sur la photo, c’est toujours ça de pris.

Les artistes et les auteurs, comme les politiciens, ont le plus souvent un ego démesuré. Cependant les politiciens sont beaucoup plus vicieux et capables du pire pour parvenir à la célébrité. Peut-être  l’intelligence des politiciens est-elle  plus calculatrice, plus pragmatique, que celle des artistes et écrivains, davantage axée sur l’intuition, l’émotion et l’imagination.

On trouve aussi très souvent une fêlure psychologique chez les artistes et écrivains. Un problème lié à un traumatisme de l’enfance, aux parents ou autres raisons souvent dramatiques, des surdoués, des Asperger …. Peut-être que leurs blessures, leur différence, les rendent  plus créatifs, et souvent plus égocentriques. Je ne pense pas qu’on puisse trouver aussi souvent ce genre d’excuses aux  politiciens :  leur ego, ils l’utilisent pour devenir des dominants, pour le pouvoir, pour l’argent. Même quand au début, ils se voulaient idéalistes .

Bref, comme ce sont eux qui distribuent les médailles et les subventions, me voilà définitivement grillé. C’est malin !

Alain BLED

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